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bio
Née en 1986, aux Lilas en Seine-Saint-Denis, Marie Boralevi vit et travaille aujourd’hui à Paris.
En 2009 elle obtient son diplôme des métiers d’arts en gravure, à l’École Supérieure des Arts et Industries Graphiques, Estienne, avec la mention Excellent. Également diplômée avec mention, de l’École Supérieure d’Arts Appliqués Duperré, elle se distingue en 2013 en remportant le prix Pierre Cardin de l’Académie des Beaux-Arts de l’Institut de France (section gravure). Depuis, ses œuvres sont montrées dans les grandes foires internationales d’art contemporain ; telles que : DDessin à Paris (en 2014, 2016 et 2017) ; Docks Art Fair à Lyon (2017) ; Art Paper à Lyon (2018) ; Art On Paper à Bruxelles (2014) ; Art Copenhagen (2014) ou encore ST-ART à Strasbourg (2015). Ses gravures et ses dessins ont été exposés à la Fondation Taylor à Paris ; au musée Pierre Boucher au Canada (en 2013) ; au musée des Beaux Arts de Liège (pour la 10ème biennale internationale de gravures contemporaines) ainsi qu’au musée Jean Cocteau à Menton (en 2019).
"Un petit Frankenstein plastique" – mai 2025
par Julie Estève - romancière et critique d’art
La jeunesse est dangereuse et radicale et fluide. Elle est fascinante et libre et fiévreuse. Elle veut tout. Rêve, cherche, désire, aime, détruit, espère, tremble. L’adolescence est un paysage à vif, intense, avec des ciels grêlés, des forêts denses, avec des feux. Marie Boralevi compose des visages juvéniles qui racontent les croisements, l’hybride, et une forme de douleur. Tout apprentissage consiste en un métissage, aucun apprentissage n’évite le voyage, disait Michel Serres dans le Tiers-Instruit. L’artiste explore les zones frontières, la porosité, les tensions. Ses figures mêlent l’enfance et sa fin, le déguisement et le masque social, l’insouciance et le chaos. La candeur est retournée comme un gant.
Marie Boralevi crée des récits troublés : elle dépose des destins sur les peaux. Parfois, un clown aux grandes oreilles et à la bouche folle se colle sur une tête froide, parfois c’est une cagoule BDSM qui voile un visage dont on devine les lèvres chérubines. Ces assemblages à la fois horrifiques et inoffensifs dérangent, captivent, et suscitent l’empathie. Ce n’est ni tout à fait du collage, ni de la gravure mais un mélange, une technique propre, originale, un petit Frankenstein plastique. Marie Boralevi travaille et transforme l’image par strates. À partir de photographies de jeunes mannequins glanées en ligne, elle remplace une oreille, une bouche, un regard. Elle agrandit le photomontage au laser – tirage unique – et le transfère sur du papier japon à l’acétone. Elle dessine ensuite à la mine graphite sur l’empreinte. Le résultat est spectaculaire. En noir et blanc, ultra précise par endroits, baveuse à d’autres, vibrante : l’œuvre est traversée par la lumière. Mais que cache-t-on sous la peau ?
Marie Boralevi fait surgir de l’épiderme une matière émotionnelle. Ses taches de rousseur paraissent des brûlures, ou une poignée de terre jetée sur un visage innocent. Les tatouages et les marques qu’elle inscrit sur les cous, les épaules, brouillent les identités et les récits. On y lit des dessins d’enfants, des dédicaces à la mère, des appels au secours, mêlés à des trucs d’adultes. Et puis, ces mots, comme des gravures au sang : bully, void, dangerous qui barrent et étranglent les portraits. Tous ces gamins nous regardent, plein cadre, en grand. Pas d’échappatoire. Ils nous obligent à voir. A voir ce qu’on a fait d’eux et ce qu’ils sont. Ils ne sont pas des victimes. Ils sont puissants, accidentés, redoutables. Comme s’ils allaient prendre leur revanche. Ils sont comiques, bizarres, déguisés. Ils sont multiples. Ils sont beaux. Ils savent qu’ils vont survivre.

